Cette analyse, mise à jour, a été publiée pour la première fois le 4 juillet 2013 en pleine crise politique entre le président Morsi, dont les actes témoignaient d’une propension à la dérive autoritaire et l’armée. Elle a été mise à jour en intégrant le rôle de l’armée burkinabè dans la démission forcée de Blaise Compaoré.
La Loi organique portant organisation et fonctionnement des forces armées de la RDC définit en son article 2 l’armée républicaine comme étant celle qui, respectueuse des lois et des institutions de la République, est soumise à l’autorité civile. Mais cette loi n’explique pas en détails les principes sur lesquels se fondent le caractère républicain d’une armée. Elle définit par ailleurs l’armée apolitique comme celle dont les membres ne participent pas aux activités politiques. Elle n’affiche aucune opinion politique ou partisane et se caractérise par sa neutralité. Sera-ce le cas en RDC au regard des enjeux politiques actuels et à venir ?
L’armée ou le métier de militaire reste bien éloigné des représentations d’usage et en général mal connu. Il exige une formation humaine, intellectuelle, stratégique où la réflexion n’a rien à envier à l’action et où la discipline individuelle cohabite avec la discipline collective. Et la vie collective qu’il implique par l’attachement à l’esprit de corps, favorise, de fait, le développement d’un conformisme ambiant. De loin, celui-ci ressemble à une passivité obéissante qu’il faut cependant examiner avec attention. Entre l’individu, le groupe, le chef, les attributs de l’autorité derrière lesquels chacun se réfugie, il y a place comme ailleurs, malgré les apparences, pour ceux qui pensent avant d’obéir…
Etre soldat n’est décidément pas un métier ordinaire. Défenseur de la société aux ordres du système politique dans une démocratie, le soldat est caractérisé par deux dimensions essentielles. Porteur d’armes, il a le pouvoir de donner la mort au combat, sur ordre. Mis en péril par les armes de l’ennemi, il accepte de donner sa vie pour son pays. Le lien Armée-Nation implique que si les militaires appartiennent à la nation, comme tous les citoyens mais avec des droits politiques réduits, l’armée elle-même apparaît comme une institution naturellement isolée, à la différence de l’éducation, de la santé, de l’agriculture .
Mais puisque c’est elle qui se voit confier les armes de la nation, il importe que celle-ci le contrôle. Il apparait que si le rôle de l’armée est de servir les intérêts de la nation, elle a aussi besoin du soutien inconditionnel de la nation. Les deux entités ont des destinées communes qui, parfois s’entrechoquent ou se raffermissent au cours de l’histoire. D’autre part l’institution militaire reçoit ses ordres de l’exécutif et se doit d’obéir afin de servir les intérêts de la nation qu’elle a pour mission de protéger.
En revanche l’obéissance militaire atteint ses limites là où le savoir, la conscience, le bon sens, le discernement, l’éthique, la responsabilité interdisent d’obéir aux ordres. En effet, le soldat est tenu d’obéir aux ordres de ses supérieurs mais il existe des exceptions : lorsqu’il se sent blessé dans sa dignité humaine, il a le droit de refuser d’exécuter l’ordre ; lorsqu’on lui demande d’enfreindre la loi, il a non seulement le droit de refuser mais il a l’obligation de ne pas obéir.
Entre discipline et obéissance, il faut aussi trancher. Dans les armées, la discipline n’est obligatoire qu’à partir du moment où le chef a pris sa décision, chacun étant, en principe, libre de s’exprimer avant qu’elle ne devienne effective. L’obéissance est un acte concret, de terrain, qui doit prendre en compte le contexte et la situation parce que distinction est faite entre obéissance formelle et intellectuelle, la mission devant être exécutée dans son esprit avant de l’être dans sa lettre.
Dans une armée, tout supérieur doit obtenir que les ordres soient « exécutés littéralement sans hésitation ni murmure, l’autorité qui les donne est responsable et la réclamation n’est permise au subordonné que lorsqu’il a obéi ».
En 1972, le Statut général des militaires français réitère la nécessite de l’obéissance des militaires aux supérieurs. Toutefois, précise-t-il, « il ne peut leur être ordonné et ils ne peuvent accomplir des actes qui sont contraires aux lois, aux coutumes de la guerre et aux conventions internationales… La responsabilité propre des subordonnés ne dégage les supérieurs d’aucune de leurs responsabilités. »Le chef autant que ceux qui lui doivent obéissance ne peuvent échapper à leur responsabilité de citoyen. Il faut donc savoir, si nécessaire, désobéir aux ordres. Ni la bêtise, ni le non discernement ne pourront excuser un manquement à la désobéissance… ou au moins, à une adaptation des ordres aux circonstances. »
Pourtant, il ne faut pas être dupe. Si désobéir dans le sens de l’histoire est presque une tradition revendiquée, le contraire sera plus difficile à faire accepter. En revanche, tout succès qui sera le fruit d’un acte de désobéissance ou d’adaptation aux ordres est avant tout un succès que le groupe se réapproprie… « Une bonne initiative est une désobéissance qui a réussi » dit-on dans les régiments français où l’on préfère parler de courage, d’intelligence, de raison… Pensez aux défections massives constatées il y a peu dans les rangs des armées tunisiennes, libyennes et en Syrie. Ou dans le passé, les évasions massives des équipiers de l’aviation française constatées à partir du 18 juin 1940 ainsi que celles des autres forces des unités terrestres et marines. Ces différentes évasions de nombreux militaires vont se structurer en unités de combat et contribueront à la formation en Grande Bretagne des forces françaises libres. Ils se rendront célèbres sur les théâtres d’opération, notamment en Normandie.
Pour un soldat la désobéissance est parfois un devoir mieux un comportement éthique dans des situations très singulières de par leur nature et de par la probabilité de leur occurrence. Ainsi, lors de la révolte tunisienne, le refus du général Rachid Ammar, chef d’Etat-major de l’armée de terre tunisienne, d’obtempérer aux ordres du président Ben Ali de mater l’insurrection populaire dans les villes de Kasserine, Thala et Sidi Bouzid a incontestablement été déterminant dans la généralisation du mouvement de contestation populaire sur l’ensemble du pays. « D’accord pour déployer les soldats, afin de calmer la situation, mais l’armée ne tire pas sur le peuple », a-t-il fait savoir. La retenue de l’armée tunisienne a évité un horrible carnage. L’armée tunisienne est demeurée fidèle à une tradition « républicaine » de non-ingérence dans les affaires politiques intérieures héritée depuis Bourguiba. L’armée tunisienne, ayant compris sa vocation apolitique et républicaine, a tenu à ne pas apparaître sur le devant de la scène. Mais c’est bien elle qui a permis que Ben Ali « dégage ».
En fin de compte, cet acte de désobéissance, ne constitue-t-il pas dans ce cas présent, à la fois, une réponse éthique aux aspirations démocratiques des populations tunisiennes et une illustration du diptyque armée-nation, mieux encore du concept armée républicaine ?
Situation en RDC
Qu’en est-il en RD Congo ? Une illustration suffit pour résumer la conception qu’ont les politiques de l’armée. La scène s’est déroulée le 26 novembre 2011 lorsque les troupes de la Garde républicaine (GR) congolaise, lâchées dans la capitale comme une horde de chiens sauvages enragés sans réquisition légale de la police, ont tiré à bout portant sur les manifestants non armés et hostiles au président candidat. Le rapport du Bureau Conjoint des Nations Unies aux Droits de l’Homme (BCNUDH) en RDC sur les violations graves des droits de l’homme commises par des membres des forces de défense et de sécurité congolaises dans la ville de Kinshasa entre le 26 novembre et le 25 décembre 2011 a particulièrement indexée la GR en documentant une série d’exactions commises par cette unité à majorité monoethnique (Balubakat, qui n’a pas entièrement subi le processus de brassage) contre les manifestants civils et non armés .
Dans un Etat de droit démocratique, le principe fondamental régissant les militaires est celui de l’« obéissance » à tous les ordres manifestement légaux. Le devoir sacré et suprême de tout militaire est celui de défendre l’Ordre Constitutionnel, l’ordre républicain et de protéger les populations et leurs biens contre toute agression et toute violation de l’intégrité territoriale de son pays et contre toute transgression des valeurs fondamentales de la Constitution et des principes fondateurs d’un Etat de droit.
Ainsi, par la voie de conséquence logique, l’armée se trouve dans l’obligation de barrer la route aux individus qui se maintiennent illégitimement au pouvoir par la force ou au-delà de leurs mandats constitutionnels conférés par la Loi Fondamentale de l’Etat chaque ou qui contreviennent aux principes fondateurs d’un Etat de droit. De ce fait, l’Armée en tant que garant de l’ordre républicain détient par son statut particulier le monopole légitime de rétablir l’équilibre. C’est ici que la notion d’armée républicaine revêt tout son sens et son essence, voire sa noblesse. C’est également ici qu’il faut comprendre les limites accordées à la notion de l’obéissance évoquées ci-haut. En d’autres termes, l’armée ne peut pas pour le compte d’un homme ou d’une partie du peuple utiliser sa force au nom de l’équilibre social en devenant le bras répressif d’un pouvoir oppressif. L’action de l’Armée doit concourir aux côtés des actions des autres structures étatiques afin de cheminer vers l’émergence et la consolidation d’une véritable république bâtie sur les principes démocratiques d’un Etat de droit qui garantisse la sécurité et les pratiques démocratiques à tout le peuple congolais.
C’est ainsi que pour construire une armée républicaine, il importe par exemple d’éviter que la protection présidentielle soit assurée par une garde républicaine qui échappe aux ordres du chef d’état-major général de l’Armée. L’histoire récente nous apprend, tant avec la DSP sous les FAZ, la GSSP sous les FAC et l’actuelle Garde Républicaine du président Kabila, que ces unités d’élite finissent par se transformer en milices privées et garde prétorienne, dépourvues de tout caractère républicain, pour verser dans le tribalisme et les répressions incontrôlées, car hors contrôle du chef d’état-major général. D’où l’importance que le chef de l’Etat soit protégé par une garde républicaine pouvant lui survivre parce qu’appartenant aux forces armées régulières qui, elles aussi, appartiennent à la République et non à un individu.
Le rôle de l’armée Turque
L’armée turque est une autre bonne illustration de l’ordre républicain qui transcende les clivages sociopolitiques, géo-ethniques, partisans, ethno-religieux pour ne défendre que l’intérêt suprême de la Nation turque moderne suivant la vision kémaliste léguée par le père de la Nation turque moderne : Mustafa Kemal Atatürk. Une vision qui a fait de l’armée turque la base même de la nouvelle « République » turque pendant et après la guerre d’indépendance. De la création de l’Etat turc indépendant jusqu’au multipartisme, toutes les élites politiques, du pouvoir comme de l’opposition, se sont inspirées de l’armée pour bien préserver le principe de la construction d’un Etat et d’une armée modernes dans un pays autrefois en proie à l’instabilité sociopolitique et ethno-religieuse constante.
Par ailleurs, il est apparu de l’analyse de plusieurs théoriciens sur la notion d’Etat que la force est une condition inhérente et sine qua non du maintien de tout Etat. Max Weber définit l’Etat moderne comme : «une communauté humaine qui dans les limites d’un territoire déterminé revendique pour son propre compte la force physique légitime ». Toutefois, les organes régaliens de l’impérium (l’armée, la police, la justice. . .) sont appelés à agir pour le bien de tous les citoyens, quels qu’ils soient. Alors si des hommes politiques manipulent et instrumentalisent ces forces pour garantir leurs intérêts personnels ou le bien d’un camp, le risque est grand de voir s’installer une déflation du pouvoir politique qui sera confronté à la contestation populaire. La conséquence de cette crise de confiance est que les dirigeants ne gouvernent plus par l’autorité et la légitimité qu’aurait dû leur conférer leur pouvoir (au moyen d’un contrat social) mais par le recours aux moyens abusifs tels que les intimidations, la répression sauvage et infrahumaine, l’incurie policière par les arrestations arbitraires, la corruption généralisée monopolisant davantage la tension sociale. Dans pareille situation, l’armée républicaine garante de l’ordre dispose de la responsabilité et du droit de rétablir l’équilibre. C’est la leçon que l’armée égyptienne a donné à ses consœurs africaines.
Des leçons à tirer en Afrique
Depuis quelques temps des militaires à travers le continent africain donnent aux hommes politiques des leçons de démocratie. Après le Ghana de Jerry Rawlings le Mali d’Amadou Toumani Touré, la Guinée du Général Kouyaté, le Niger de SalouDjibo, c’est au tour de la Tunisie, de l’Egypte, du Burkina Faso, du Mali… où le Régiment de sécurité présidentielle, la garde prétorienne, qui a précipité la démission de Compaoré, que les militaires africains, notamment des FARDC, devraient désormais s’inspirer. Au Burkina, après tergiversations de la hiérarchie militaire, bien que le Général Traoré se soit auto-proclamé président, le 30 octobre 2014 et ait annoncé son intention de présider la transition après avoir déclaré la dissolution du gouvernement et de l’Assemblée nationale, il a été vite contesté par un groupe d’officiers (qui lui reprochent sa proximité avec Compaoré) à la tête duquel se trouvait le Lieutenant-Colonel Isaac Yacouba Zida, l’adjoint au Général Gilbert Dienderé, le Commandant du RSP (Régiment de sécurité présidentielle), la garde prétorienne équivalent à la Garde républicaine (GR) en RDC. Zida prendra finalement le dessus et sera investi par l’Armée le 1er novembre 2014. Le lieutenant-colonel Isaac Zida fait figure d’autorité consensuelle chez les militaires « mais il n’est pas exclu que Zida ait pesé d’une manière ou d’une autre dans le départ de Blaise Compaoré. Zida pourrait plus ou moins avoir contraint le président à la démission », selon Cyriaque Paré, Le directeur général de la radio locale Radio Omega de Ouagadougou.
Tout Etat en principe, quelles que soient ses options politiques ou économiques, poursuit l’objectif du bien-être intégral de ses citoyens. Un bien-être qui ne doit pas uniquement être matériel, mais aussi sécuritaire. En ce, le couple armée/police en tant que composante essentielle de l’Etat et levier qui permet entre autre à l’Etat d’assurer son autorité, a plus que jamais un devoir sacré d’assumer son rôle républicain.
Dans un article publié le 23 mars 2012 par le feu journaliste Freddy MonsaDuku du quotidien Le Potentiel, sous le titre : Démocratie et développement – Coups d’Etat en Afrique : l’armée au cœur du problème, le journaliste écrivait ce qui suit en rapport avec le rôle républicain que doivent jouer les services de sécurité en Afrique : « Il revient donc aux Africains de quitter ces vieux sentiers pour considérer l’armée, la police, les services de sécurité comme des «socles» des institutions républicaines, au service de la Nation. D’où la nécessité de gouverner autrement, de procéder à la mise en place, à la mise en œuvre des réformes courageuses pour disposer d’«armées véritablement nationales ». Des armées comme une «fierté nationale» du fait d’en avoir et d’y appartenir, à l’exemple des «équipes nationales de football». Aujourd’hui en RDC, l’armée est devenue un dépotoir de la nation.
Livrant à l’opinion publique congolaise et africaine sa lecture personnelle, et non scientifique, d’un observateur citoyen de la RD Congo résidant à Dakar, du bon déroulement et dénouement des élections présidentielles 2012 au Sénégal, sous le titre : Elections présidentielles au Sénégal : quelles leçons pour la RD Congo ?, le professeur Bernard LututalaMumpasi, Recteur Honoraire de l’Université de Kinshasa, a fait le constat suivant relatif au caractère républicain de la police et l’armée sénégalaise :
« Au Sénégal, la police, et surtout l’armée, sont véritablement républicaines. Si la police a parfois causé quelques bavures dans les opérations du maintien de l’ordre imposées par les Ministres de l’Intérieur appartenant au Parti au pouvoir, l’armée, elle, est presque toujours dans les casernes. Il est d’ailleurs rare de voir circuler un militaire dans la rue, sa place étant dans les casernes ou au front pour protéger l’intégrité territoriale, ou pour participer aux opérations de maintien de la paix à travers l’Afrique. (…) La police, et surtout l’armée, ne sont donc pas instrumentalisées. Elles laissent la classe politique gérer la ‘res publica’, et se contentent de jouer leur rôle. Cela ne veut pas dire qu’elles ne sont pas politisées. La preuve, les policiers et les militaires votent, au Sénégal ; et ils votent une semaine avant la population, pour leur permettre d’être disponibles pour sécuriser les élections le jour du vote de la population. La conséquence en est que tout le monde finit par obéir aux instructions qu’elles font respecter pour le bon déroulement du scrutin. Elles s’affichent donc comme une ‘institution’ républicaine à laquelle tout le monde obéit, et qui est là au service de la nation, et non des individus qui qu’ils soient. »
L’exemple Egyptien
A propos des événements en Egypte, face à la montée croissante de la contestation populaire, le commandement militaire égyptienne a, dans un message lu à la télévision, prévenu qu’elle interviendrait si les revendications du peuple n’étaient pas satisfaites et a « donné (à toutes les parties) 48 heures, comme dernière chance de prendre leurs responsabilités face aux circonstances historiques auxquelles le pays fait face ».
Si les revendications du peuple ne sont pas satisfaites durant cette période, (les forces armées) annonceront une feuille de route et des mesures pour superviser leur mise en œuvre » si les politiciens ne se mettaient pas d’accord. Une prise de responsabilité du rôle républicain de l’armée exprimée par le général Abdel Fattah al-Sissi, alors ministre de la Défense et chef de l’armée, qui a averti que les militaires pourraient intervenir en cas de troubles graves menaçant la stabilité du pays.
« Les forces armées ont un devoir d’intervenir pour empêcher l’Egypte de plonger dans un tunnel sombre de conflit et de troubles », avait-il déclaré. Il avait ajouté qu’il était « du devoir national et moral de l’armée d’intervenir (…) pour empêcher les violences confessionnelles ou l’effondrement des institutions de l’Etat. C’est ce rôle républicain que vient d’accomplir l’armée égyptienne en destituant le président Morsi dans le souci de « sauver la cohésion de la nation », selon les déclarations du général Fattah Al-Sissi, même si par la suite, le régime Fattah s’est militarisé et a réduit à son tour l’espace d’expression démocratique.
Laissez-moi interpeller les gouvernants et l’opinion politique congolais : Les femmes et les hommes qui remplissent les rangs des troupes armées congolaises ne sont-ils pas tous et d’abord citoyens et membres d’une société et victimes des mêmes injustices que leurs concitoyens ? Cependant, je tiens à faire savoir à ceux qui se servent de l’armée à des fins politiciennes personnelles et partisanes qu’aucun endoctrinement idéologique original ne peut indéfiniment laver le cerveau des hommes des troupes pour les éloigner de leur environnement social naturel et les opposer aux valeurs républicaines nationales et aspirations du vivre ensemble dans la paix, la liberté et la prospérité voulues par tous les congolais auxquels ils s’identifient. Les événements de juillet 1960 au camp Léopold (Kokolo aujourd’hui) ou les actes de pillages de 1991 et 1993 où l’armée, excédée par sa clochardisation, s’est mutinée et est descendue dans la rue pour revendiquer ses droits sociaux de base, faisant même vaciller le régime du maréchal Mobutu sont là pour nous rappeler que cette armée peut être un couteau à double tranchant.
De plus, quand une armée tire sur un peuple c’est une partie du peuple qui tire sur une autre partie du peuple. Joseph Kabila a ordonné à l’armée de massacrer les populations ces 19, 20 et 21 janvier 2015. Il doit savoir que cela finit tôt ou tard par se retourner contre les commanditaires de ces actes odieux. Ceaucescu, Samuel Doe, Ben Ali, Mubarak, Blaise Compaoré et peut-être bientôt Morsi en ont eu pour leurs comptes.
Il y a lieu de rappeler ce principe fondamental qui veut que l’usage de la force armée par le militaire nécessite de la part de celui-ci discipline, légalité, proportionnalité, neutralité et cela n’est accepté que quand c’est pour rétablir l’ordre, dans des proportions dictées par la situation conformément aux dispositions constitutionnelles et légales. Autant de concepts qui requièrent chez celui qui promet de s’y tenir en revêtant l’uniforme, une bonne part d’idéal et d’éthique, mais aussi et surtout, un haut degré de moralité associé à un devoir d’exemplarité. Rien de modeste dans cette vocation bien que l’humilité en soit une valeur cardinale tant il est vrai que respecter pareil sens du service public n’est en rien aisé. Au cas contraire, le recours illégal et disproportionné à la force dirigée contre le peuple congolais est source de tensions aux conséquences dont aucun homme politique, du pouvoir tout comme de l’opposition, ne peut prévoir la portée ni contenir les dégâts.
Dans une république démocratique, l’armée reste le dernier rempart et recours quand des dirigeants trichent aux élections pour se maintenir indument au pouvoir, bafouillent et piétinent la dignité de leur peuple, violent et tripatouillent les dispositions constitutionnelles. N’en déplaise aux défenseurs du respect de l’orthodoxie des règles démocratiques, il faut forcément un arbitre dans le jeu, civil ou militaire lorsque le politique s’enlise et montre ses limites et son incapacité. Cela fait partie du devoir républicain sacré d’une armée. C’est la leçon actualisée et mise à jour que l’armée égyptienne a donné aux peuples et à ses consœurs d’Afrique. Les FARDC ne peuvent s’en dédouaner et doivent s’en inspirer.
A l’instar de la Turquie, la Tunisie, le Sénégal et l’Egypte, il est temps que l’armée congolaise, qui a causé beaucoup de souffrances à son Peuple tout au long de son Histoire et d’énormes dégâts dans le dépérissement de l’Etat congolais, comprenne un jour son rôle républicain, prenne en mains ses responsabilités et défende enfin son honneur.
Aux officiers, sous-officiers, soldats, caporaux et matelots congolais, l’honneur est avant tout un problème d’éthique personnelle et professionnelle fondé sur le respect de soi et des autres. Ancré dans la conscience de chacun, il permet d’agir pour le mieux. C’est une éthique de comportement, de responsabilité, d’idéal, de conviction, de patriotisme et d’action. En bref, c’est un état d’esprit qui doit habiter tout militaire conscient du rôle Armée-Nation.
Dans une situation de crise institutionnelle et de régime mettant en péril les valeurs fondatrices de la République ; là où le droit, falsifié et foulé aux pieds, et la classe politique jouisseuse ne sont plus en mesure de fournir des réponses pertinentes aux questions d’ordre politique, économique, sociétal et éthique ; seule votre Conscience individuelle permet de résoudre les cas de conscience.
Les situations vécues en Tunisie, en Egypte ou encore au Burkina Faso, au-delà d’interpeller les hommes de rang, doivent leur servir de motivation et de modèle à suivre au regard des échéances à venir où les tentatives de tripatouillage de la constitution ou toute autre forme de se maintenir illégalement et illégitimement au pouvoir se font de plus en plus jour dans le chef des tenants du pouvoir.
L’armée ivoirienne qui se dit républicaine mais qui est limitée aux répressions et exactions sur des manifestants aux mains nues contre un troisième mandat anticonstitutionnel de Alassane Ouattara doit faire sa mue.
Etre républicain, c’est défendre les institutions de la République, le territoire et les populations contre toute attaque extérieure. Mais c’est aussi et surtout veiller au respect de la constitution. Pourquoi l’armée ivoirienne se détourne-t-elle de ces missions réelles ? Pourquoi ne suit-elle pas l’exemple de l’Egypte, la Tunisie, le Burkina-Faso, le Mali ?
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